- Lundi
30 novembre 2009 N°
2456/23852
- SUISSE : Editorial
de Pascal Mourot * : La
votation fédérale ( référendum ) du dimanche
29 novembre 2009 sur linitiative
"contre la construction de minarets"
près des mosquées suisses, a été remportée
par le camp du "OUI" à plus de 57,50
%. Le monde rural a voté "Oui"
jusqu'à plus de 71 %, les grandes villes
"NON", Genève qui abrite
le second siège de l'ONU, approche
même les 60 % avec 59,70 d'avis négatifs. Le
canton de Vaud a refusé l'initiative présentée
contre "l'islamisation rampante" de la
société suisse mais à une courte majorité.
Tous les sondages donnaient pourtant vainqueur le
camp du "Non" dans l'un des pays les
plus démocratiques du monde, la Confédération
helvétique. Les partisans de cette
initiative précisaient : "Oui, car nous
devons donner un signal fort au monde pour
affirmer la primauté du Droit Suisse sur des
systèmes juridico-religieux contraires à
lEtat de Droit". 114 895 signatures
avaient été réunies dans une pétition lancée
le 1er mai 2007 par le Comité d'initiative contre
la construction de minarets
représenté par Ulrich
Schlüer (UDC ZH), Christian Waber (UDF BE)
et Walter Wobmann (UDC SO)
en tant que co-présidents ainsi qu'Oskar Freysinger (UDC VS)
et Jasmin Hutter (UDC SG). Samuel Schmid,
ministre UDC, opposé à son parti dans cette
initiative, avait reconnu en 2007 que celle-ci
est "l'expression d'une certaine
inquiétude" face à l'Islam. Le
"Comité d'Egerkingen", nom d'une
commune à l'origine du projet, avait déposé le
8 juillet 2008 à la Chancellerie
fédérale l'initiative "contre
la construction de minarets" avec un record
de signatures attestées par les communes. Ce
résultat contraignant est une grande victoire
pour l'Union démocratique du
centre (UDC) présidée par Toni Brunner. A l'issue
du scrutin, l'UDC a déclaré se
"réjouir" du "OUI clair du peuple
à l'initiative sur les minarets. Ce choix
souverain clarifie définitivement les débats et
les incertitudes juridiques concernant la
construction de minarets. Il prouve également
que le peuple suisse refuse l'émergence de
sociétés parallèles, conséquence de
l'islamisation rampante de notre pays. Nos droits
sont valables pour tous et l'immigration doit
être contrôlée. Celles et ceux qui ne
respectent pas nos lois doivent quitter le
pays". L'UDC est un parti politique de
droite, conservateur et en faveur de l'économie
libérale. Ses détracteurs le qualifient de
parti d'extrême-droite. C'est également une
victoire inattendue pour l'Union
démocratique fédérale (UDF) qui
estime que "la paix confessionnelle et la
liberté religieuse sont préservées".
Selon l'UDF, des "principes éthiques clairs
sont un des meilleurs moyens de se prémunir
contre une radicalisation de lislam".
LUDF appelle également à la
"poursuite du dialogue interreligieux qui
doit se faire de manière bilatérale. Si les
chrétiens sont prêts à écouter les musulmans,
ces derniers doivent eux aussi entendre ce que
les chrétiens ont à leur dire sur
lhistoire, lidentité et la culture
judéo-chrétienne suisse". Une affiche en faveur du
"OUI", dessinée sur le même
thème que celle du "mouton noir"
montre une femme en noir entièrement voilée par
une burqa avec en toile de fond le drapeau suisse
maculé de minarets également noirs et pointés
comme des missiles vers l'Occident. Cette affiche
"attise la haine" avait jugé la
Commission fédérale contre le racisme (CFR)
présidée par Georg Kreis, un organisme public
consultatif instauré par décision fédérale du
23 août 1995 et le Comité des droits de
l'homme, établi par l'article 28 du Pacte
international relatif aux droits civils et
politiques qui se réunit 3 fois par an à New
York et à Genève, avait jugé
cette campagne d'affiches "sinistre".
Dans les colonnes du quotidien suisse
indépendant " Le Courrier ",
daté du mercredi 13 octobre 2009, Michael
O'Flaherty, membre du Comité des droits de
l'homme à l'ONU, déclarait que
"l'initiative sur les minarets n'est pas
compatible avec le Pacte international sur les
droits civils et politiques. Et la publication
d'affiches qui donnent une image sinistre des
musulmans pose problème au regard de la liberté
d'expression". Selon les cantons, d'autres
affiches ont vu le jour : "Halte à la soumission ! Oui à
l'initiative contre les minarets". Des
affiches qui attisent la haine jusqu'à
l'étranger faisant la part belle au fils du Chef
de l'Etat libyen, le capitaine Hannibal Mouammar Algaddafi. Les affiches invitant à voter
"Non" montraient plusieurs
villes du monde, Paris, Washington, Rio, etc.
dont les édifices religieux étaient privés de
tours, dômes ou flèches. Le président de la
Confédération Hans-Rudolf Merz
recommandait dans une vidéo aux citoyennes et
aux citoyens (lire le texte intégral) de
"rejeter linitiative populaire contre
la construction de minarets". La Suisse qui
compte seulement 4 minarets pointés vers le
ciel, regroupe près de 400 000 musulmans. Les
Turcs qui représentent environ 20 % de la
communauté sont arrivés les premiers, suivis
des yougoslaves et des réfugiés de Bosnie et du
Kosovo. 57 % des Musulmans sont originaires des
Balkans. A Rome, au Saint
siège (Vatican), en marge du message des
cérémonie de la 96e Journée mondiale du
Migrant et du Réfugié, Mgr
Antonio Maria Veglio, président du Conseil
pontifical de la pastorale des migrants et
itinérants, avait déclaré, 2 jours avant la
votation, vendredi 27 novembre 2009, que "la
peur est mauvaise conseillère" et qu'un
catholique "doit être ouvert aux
autres". Mgr Antonio Maria Veglio a
cependant fait remarquer qu'il ne fallait pas
"être naïf" regrettant que l'Islam ne
pratique pas "la réciprocité" chez
les chrétiens vivant dans des pays musulmans.
Début septembre 2009, le Conseil suisse des
religions SCR, organe composé de Juifs, de
Chrétiens et de Musulmans, avait admis que
"les défenseurs de l'initiative puissent
exprimer les craintes de la population dont il
faut débattre" tout en rappelant que
"la liberté de religion est un droit
fondamental universel. Tous les adeptes de
religions ont donc le droit de vivre leur foi au
grand jour, dans les limites de l'ordre public.
Ce droit inclut aussi la construction des
édifices religieux propres à chaque
religion". Le président de la Fédération
des Eglises protestantes de Suisse, Thomas
Wipf, a déclaré qu'il est "inadmissible
que des minorités religieuses doivent maintenant
sattendre à une inégalité de
traitement" précisant que "la
validité universelle des droits humains, et en
particulier le droit de pratiquer librement sa
foi, sont des acquis auxquels on ne saurait
renoncer". Selon les Protestants de Suisse,
"linterdiction des minarets nuit à la
cohésion sociale" et ne "résout aucun
problème ; elle en crée de nouveaux".
Ajoutant : "Le respect mutuel est
indispensable à lintégration réussie et
à la cohésion de la société". Le docteur
Farhad Afshar, initiateur du Centre
islamique de Berne (ville
fédérale et non capitale), membre du Conseil
suisse des religions SCR et président de la
Coordination des Organisations Islamiques Suisses
COIS, posait cette question fondamentale en mai
2007 aux lecteurs du quotidien " Le Matin " :
"Comment interdire les minarets et pas les
tours et les coupoles sans discriminer une
religion et enfreindre la neutralité ?",
ajoutant "l'initiative combattue par les
Eglises est contraire au droit international de
l'ONU, du Conseil de L'Europe et des Droits de
l'Homme. En l'acceptant, la Suisse s'exposerait
à de gros problèmes". Farhad Afshar avait
également déclaré que "la liberté
religieuse est garantie et cette initiative ne
peut pas être soumise en votation". En
France, le secrétaire général de l'Union pour
un Mouvement Populaire UMP (parti
de droite au pouvoir), Xavier Bertrand, très
proche de Nicolas Sarkozy,
président de la République, s'est déclaré
satisfait du vote estimant dimanche 29 novembre
2009 à la 1ere radio privée de France RTL, lors du
" Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI "
déclarant : "Je préfère qu'on ait des
lieux de culte officiels, reconnus, pour qu'on
ait un islam de France plutôt que d'avoir la
pratique de religion dans des endroits qui
seraient clandestins" concluant à propos de
l'interdiction des minarets en Suisse,
"est-ce qu'on a forcément besoin de
minarets pour le faire ? Ça, je n'en suis pas
certain". Toujours en France, la
vice-présidente du Front national, Marine Le
Pen, s'est réjouie du résultat du référendum
interdisant la construction de minarets en
Suisse, déclarant : "Ces élites doivent
cesser de nier les aspirations et les craintes
des peuples européens qui, sans s'opposer à la
liberté religieuse, rejettent les signes
ostentatoires que veulent imposer des groupes
politico-religieux musulmans, souvent à la
limite de la provocation". "Au moment
où Nicolas Sarkozy réduit, sur ces sujets, son
action à un électoralisme cynique", Marine
Le Pen, numéro 2 d FN, a appelé "les
Français qui n'ont pas la chance de pouvoir
s'exprimer par référendum à le faire,
massivement, lors des élections régionales des
14 et 21 mars 2010". D'autre part, y aura
t-il des répercussions économiques pour la
Suisse ? Alors que pour 2010 le pays
sattend à un taux de croissance modeste de
0,7 % et que les entreprises exportatrices ont
subi, en 2009, une baisse de leur chiffre
daffaires dramatique pour certaines,
devraient enregistrer un taux de croissance
modéré de 3,8 % lannée prochaine, Gerold
Bürhrer, président de la Fédération des
entreprises suisses Economiesuisse, s'est
inquiété de ce référendum en rappelant que la
Suisse a vendu en 2008 quelque 10 milliards
d'euros de marchandises aux pays musulmans et que
les seuls visiteurs du Golfe ont payé 174 500
nuitées dans les hôtels de Genève". Le
parti suisse "Les Verts" a annoncé
"étudier la possibilité" de saisir la
Cour européenne des droits de
l'Homme en déclarant que "la liberté
de croyance ne doit pas être abolie dans les
urnes". Dans un communiqué précédent ce
référendum, les Verts estimaient que cette
votation contre les minarets en Suisse,
"généralise, polarise et renforce les
préjugés envers les communautés musulmanes,
préjugés quil est au contraire urgent de
combattre". A l'heure où est publié cet
éditorial, on attend avec intérêt la réaction
du nouveau président de la CICAD, l'avocat
Alain Bruno Lévy, professeur titulaire à la
Faculté de droit de l'Université
de Fribourg, élu le jeudi 12 novembre
2009, qui représente l'ensemble des communautés
juives de Suisse, l'équivalent du CRIF Conseil représentatif des
Institutions juives de France en France. * Pascal
Mourot est le fondateur du quotidien
international Fil-info-France, de SOS-Reporters.org et de Police-bavures.org * Lien
permanent : http://referendum-suisse-minarets.fil-info-france.com/ *
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